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Dr Paul Pierre, coach du GHDLP, fait progresser la recherche sur la tuberculose au Mali et au Niger.

Dr Paul Pierre, animateur du GHDLP de l’UGHE (à gauche), et le professeur Agnes Binagwaho, vice-chancelière de l’UGHE (à droite), ensemble à Nairobi où ils ont donné le premier cours du GHDLP du Fonds mondial en 2017.

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En février de cette année, avant que les restrictions de voyage liées au COVID ne soient imposées au niveau mondial, 30 participants de sept pays africains francophones sont arrivés au Rwanda pour un programme de formation intensif de deux semaines dans le cadre du premier programme de formation des cadres en langue française de l’UGHE ; le Global Health Delivery Leadership Program (GHDLP), en partenariat avec le Fonds mondial. Le programme a débuté par une résidence intensive de deux semaines sur le campus à Butaro de l’UGHE, combinant des compétences fondamentales en gestion et en leadership avec un apprentissage basé sur des cas concrets et également sur le terrain. Ce programme a servi de tremplin pour les six mois suivants au cours desquels les participants regroupés par pays sont rentrés chez eux pour développer leurs “Projets d’innovation”. Ces projets collaboratifs sont conçus pour identifier et aborder certains des plus grands défis encore sans réponse au sein des communautés des différents pays.

Cependant, les six derniers mois ont été hors du commun. La pandémie mondiale, le COVID-19, a sans aucun doute modifié l’enseignement et l’apprentissage, et a présenté des obstacles notamment au niveau des travaux en groupes qui sont essentiels à ces projets. Mais elle a également ouvert des perspectives surprenantes en matière d’innovation et a offert de nouvelles orientations. L’UGHE a saisi cette occasion pour faire progresser son apprentissage en ligne de manière transparente, en assurant une transition sans heurts vers un apprentissage de même qualité pour ses apprenants au Rwanda et à l’étranger. De même, les participants du GHDLP ont envisagé de réorienter leur projet pour trouver de nouveaux domaines de santé mondiale plus ciblés qui seront à explorer et à traiter, ainsi que de trouver de nouvelles communautés à prendre en compte.

Le Dr. Paul Pierre, membre de la faculté de l’UGHE, médecin haïtien et leader mondial dans le domaine de la santé est animateur du programme GHDLP depuis trois ans. Il a enseigné sa première classe du GHDLP en 2017. Au cours des six derniers mois, il a été le mentor de deux groupes de pays du GHDLP – le Niger et le Mali – dont les “Projets d’innovation” portent sur l’analyse de l’impact et le suivi des patients tuberculeux dans les deux pays. Il nous parle de son expérience dans la négociation des nouveaux paramètres de travail de projet pendant la période du COVID-19.

Les participants au programme francophone du GHDLP de cette année ont rendu visite aux agents de santé de la communauté locale de Butaro pour se renseigner sur les services qu’ils fournissent aux communautés alentours.

Q. Quels types de défis avez-vous rencontrés et surmontés en collaboration avec les groupes pendant le COVID-19 ?

Chaque année, la portée de leur “Projets d’innovation” change après chaque session ; c’est un processus en constante évolution. Les participants sont toujours enthousiastes sur ce qu’ils peuvent faire, mais lorsqu’ils touchent le sol et font face à la réalité, ils doivent s’adapter. On peut s’attendre à des changements en termes d’adaptation du plan du « Breakthrough project » qu’ils conçoivent pendant les deux semaines de formation intensives au Rwanda au contexte de leur pays respectif lorsqu’ils rentrent chez eux. Pourtant, après mes trois années d’expérience avec de tels groupes de pays, le changement a été plus notable cette année en termes de portée en raison de la pandémie mondiale.

Avec mon groupe venant du Mali, le plan initial consistait à améliorer la détection de la tuberculose pour une très grande population vivant dans la région de Ségou. Mais avec les restrictions de voyage, ils ont dû accepter de limiter ce projet au district de Kati.

Pour le projet du Niger, l’adaptation a été plus prononcée. Ils ont d’abord envisagé d’étudier les causes de la perte de suivi des patients atteints de TB-MR à Niamey. Cependant, après avoir commencé à faire l’étude, un article sur le même sujet a été publié par une ONG au Niger. Le COVID-19 a bien sûr lui aussi modifié la direction du projet. Ils prévoyaient de suivre les patients d’une grande zone de desserte à Niamey, la capitale du Niger, mais comme au Mali nous avons accepté de réduire cette zone à un seul district, Niamey IV, en nous concentrant sur l’augmentation de la détection de la tuberculose au sein de la population nomade de ce district. Cette “population flottante”, était une population intéressante à caractériser ; elle allait en ville le jour pour vendre des produits, et revenait la nuit dans la périphérie de la ville où elle vivait.

Oumarou Maigari, un participant du GHDLP au sein du groupe venant du Niger, écoute les perspectives uniques des agents de santé communautaire lors d’une visite de la communauté dans le district de Burera en février.

Q. Comment les contextes nationaux uniques du Mali et du Niger ont-ils influencé le développement du projet ?

Le travail en groupe en période confinement est véritable un obstacle. Pourtant, il n’y a pas que le COVID-19 qui a présenté des obstacles. Il y avait une coup d’Etat  au Mali lorsque le président a démissionné, qui a rendu difficile l’organisation pour discuter du projet. Souvent, l’équipe se rassemblait dans un endroit, en utilisant un seul ordinateur à tour de rôle pour respecter la distance sociale. Je pouvais comprendre les difficultés pour faire cet appel, mais aussi le contexte politique du pays et combien cela devait être difficile.

Le Niger et le Mali ont les tous deux connus des problèmes de sécurité avec des attaques terroristes et enlèvements. Au Mali, le Président a été arrêté et détenu dans le district même où ils essayaient de collecter les données pour le projet. Les populations du Mali et du Niger sont en pleine pandémie, mais aussi dans une situation explosive et précaire qui affecte leur travail. Il a été difficile, par exemple, pour certains membres de chaque groupe d’accéder à l’internet à haut débit, ils ont donc dû se rendre dans des endroits où l’internet était meilleur. Dans le passé, la situation aurait été différente, chacun aurait eu des réunions face à face pour le travail en groupe, mais aujourd’hui la faisabilité de cette solution est délicate.

Q. Comment votre rôle de coach soutient-il le développement des “Projets d’innovation” de chaque groupe de pays ?

En tant qu’animateurs, nous fournissons aux participants un cadre leur permettant de mieux évaluer les limites des systèmes de santé dans lesquels ils travaillent, et ce de manière globale. Ce sont des professionnels expérimentés, et non des chercheurs en soi. Je partage donc avec eux des approches de recherche telles que la compréhension des indicateurs communs à la tuberculose et au VIH. Nous leur fournissons également de nombreux documents supplémentaires, tels que des articles et des projets de recherche similaires à ceux sur lesquels ils travaillent, afin de les inspirer et de leur montrer à quoi ressemble un produit final de qualité. C’était la première fois que nous travaillons avec un groupe francophone et c’était aussi amusant de faire des recherches avec ressources françaises.

Nous avons également un appel mensuel avec tous les participants des groupes nationaux qui les aide à rester sur la bonne voie, et leur fournit les calendriers et les délais nécessaires. Pendant chaque appel, je leur donne un retour général et je leur pose des questions pour les encourager à réfléchir au contexte et à ce que nous attendons d’eux. L’un des éléments sur lequel nous discutons est l’élaboration d’un calendrier ; quand ils commenceront à analyser les données, et à suivre les progrès réalisés sur une base mensuelle. Nous échangeons constamment des idées – par courrier électronique ou verbalement. Plutôt que de leur apprendre à déléguer le travail, comme certains ont pu être habitués à le faire dans leurs postes supérieurs, je voulais qu’ils soient impliqués sur le côté pratique de la recherche.

Salif Dit Sadio Sissoko, du groupe venant du Mali, s’adresse aux autres participants du programme GHDLP d’Afrique francophone pendant la résidence de deux semaines sur le campus de l’UGHE à Butaro.

Q. Qu’avez-vous appris des différentes équipes de pays au cours des six derniers mois ?

J’ai beaucoup appris de ces différentes équipes surtout sur la façon dont nous pouvons utiliser les plateformes virtuelles pour faire un avancer un projet. Elles ont fait preuve d’innovation en ce qui concerne la gestion de leur temps et ce qui est possible à faire en ligne quand les visites sur le terrain sont limitées en raison des restrictions liées à la pandémie. 

Avec l’équipe du Mali, j’ai appris à connaître la population nomade et son importance dans l’épidémiologie de la tuberculose. Ce qui m’a intéressé, c’est la façon dont on apporte les services à ces personnes, et de trouver quel est le meilleur endroit pour qu’elles y aient accès ; en ville pendant la journée ou là où elles dorment la nuit ? Ce qui est sûr, c’est que nous ne pouvons pas les atteindre pendant les heures d’ouverture normales des cliniques. Avec l’équipe, nous avons vraiment dû réfléchir sur la manière de traiter ce problème, et pour moi cela m’aidera à prendre des décisions dans le futur lorsque je travaillerai avec des populations urbaines.

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